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Postvention : quand la prévention échoue

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Le comportement suicidaire est un phénomène complexe qui englobe des facteurs psychologiques, biologiques, sociaux, culturels et environnementaux. Il peut toucher des personnes de n’importe quel âge, genre, culture ou groupe social. Cette nature multicausale implique une approche systémique et transversale pour la prévention. Cependant, lorsque celle-ci échoue, nous devons commencer à parler de postvention.

La postvention consiste à offrir du soutien à la famille et à l’entourage proche des personnes qui sont décédées par suicide. Ce phénomène est tout aussi important, voire plus, que la prévention du suicide. Les personnes proches peuvent avoir des sentiments d’ambivalence à cause de la forte stigmatisation qui existe par rapport au suicide.

L’OMS reporte environ un million de morts par suicide par année et prévoit que, pour cette année 2020, ce taux pourra atteindre le million et demi.

Prévention du suicide

Face à la présence d’idées suicidaires, il est important que la personne fasse appel, sans en avoir honte, à quelqu’un de confiance avec qui elle pourrait partager ce qui lui arrive et se laisserait aider. Il est aussi nécessaire d’aller consulter des professionnels qui peuvent réaliser l’intervention adéquate.

Nous devons nous rappeler que le suicide est une solution permanente à un ou des problèmes qui, presque toujours, sont temporaires. Par ailleurs, le fait de ne pas trouver de solution ne signifie pas qu’il n’y en a pas. Cela veut seulement dire que, sur le moment, on ne réussit pas à en trouver.

On peut aider la personne à identifier les situations qui ont déclenché la crise, c’est-à-dire à identifier la cause des pensées suicidaires afin de reconnaître le moment où une crise peut se produire.

L’élaboration d’une sorte de « plan de sécurité » de la part de la personne affectée, avec ou sans l’aide d’un allié ou d’un professionnel, peut aider à réduire la probabilité de commettre une tentative de suicide. Ce plan peut contenir les points suivants (en guise d’indication) :

  • Signaux d’alarme
  • Soutiens : les noms de personnes de confiance, avec leur numéro pour pouvoir les appeler en cas d’urgence ou de tentative de suicide imminente
  • Points d’ancrage : personnes ou raisons pour lesquelles il vaut la peine de continuer à vivre
  • Normes de protection : recherche de solutions non suicidaires, élimination d’objets avec lesquels on pourrait se faire du mal
  • Liste des numéros de téléphone des services d’attention 24/24h
  • Un petit rappel qui indiquerait d’appeler le 112, Suicide Écoute ou de se rendre aux urgences de l’hôpital le plus proche, si les méthodes préventives antérieures n’ont pas fonctionné et si le risque est imminent

Et quand tout cela échoue : la postvention

Comme nous l’avons commenté, la postvention consiste à offrir un soutien social, psychologique et institutionnel aux personnes faisant partie de l’entourage proche de la personne décédée par suicide. On doit aider ces personnes à élaborer un deuil sain. Mais aussi à aborder les facteurs de risque d’un processus de deuil compliqué.

Le processus de deuil est différent chez chaque personne. Le deuil par suicide, lui, est très différent de tout autre type de deuil. Il n’existe pas de réactions « correctes » ou « incorrectes » ; tout sentiment est normal et acceptable (choc, négation, culpabilité, douleur, honte…).

Il est habituel qu’après le décès, les « pourquoi ? » commencent à apparaître (pourquoi a-t-il/elle fait cela ?, pourquoi ne l’ai-je pas aidé-e ?, etc.) et les « et si » (et si je m’en étais rendu compte ?, et si j’avais demandé de l’aide ?, etc.).

Au fur et à mesure que le processus de deuil avance, on commence à comprendre que, même si le suicide peut être prévenu dans quelques cas, dans tous les autres, toutes les mesures préventives sont inutiles et insuffisantes. Le résultat ne dépendait pas des personnes de l’entourage. On finit par comprendre qu’il n’y a pas de réponses à toutes les questions et que, parfois, on ne réussira jamais à comprendre les raisons.

L’acceptation est la meilleure manière d’intégrer la perte. Même si cela semble extrêmement difficile, on finit par respecter la décision de la personne qui est partie. On cesse aussi de lui en vouloir pour toute cette souffrance causée. On la pardonne, et l’entourage lui-même se pardonne. Les sentiments de culpabilité peuvent malgré tout persister, même si l’on a accepté la perte et pardonné la personne décédée.

Une thérapie chez un psychologue dans le cadre de la postvention.

Briser les mythes sur le suicide : une stratégie basique dans la phase de postvention

Le suicide est entouré de mythes. C’est aussi un sujet tabou. Cela explique pourquoi, bien souvent, les membres de la famille et les amis d’une personne qui s’est suicidée se retrouvent en proie à des sentiments ambivalents. En plus de la tristesse, on peut retrouver de la colère et de la rage. La honte, par ailleurs, est un sentiment commun. Elle mène bien souvent les gens à cacher la véritable cause de la mort, par peur du jugement social.

Il est important que la postvention inclue des stratégies de soutien psychosocial et psychoéducatif. Il s’agirait de stratégies liées aux réactions et sentiments ressentis au cours du processus de deuil et à la façon dont il faudrait lutter contre la critique sociale. On doit faire savoir à la famille et aux proches qu’ils ont le droit de garder le silence, si c’est ce qu’ils souhaitent.

Quelques idées fausses

Avant toute chose, briser certains mythes peut aider à réduire la peur du jugement et l’ambivalence. Certaines de ces idées erronées sont :

  • Parler du suicide crée un effet d’appel
  • Le suicide ne peut pas être prévenu parce que la personne désire mourir
  • Le suicide est un acte lâche / c’est un acte très courageux
  • Les personnes qui se suicident le font pour attirer l’attention
  • Quelqu’un qui veut se tuer ne le dit pas

Une personne qui veut se suicider ou réaliser une tentative de suicide est une personne qui a besoin et qui mérite de l’aide, tout comme les personnes de son entourage. Nous ne devons pas les oublier.

En effet, si un processus de deuil est déjà douloureux et difficile par définition, le processus de deuil par suicide l’est encore plus. Il est souvent accompagné de sentiments de culpabilité et de honte qui peuvent durer dans le temps et résister aux interventions.

Un deuil qui n’est pas correctement traité peut devenir très compliqué. Il peut même dériver vers un trouble dépressif si l’on ne bénéficie pas du soutien et des ressources nécessaires.

Par conséquent, il est non seulement important de se concentrer sur le travail de prévention du suicide, mais aussi de réaliser un travail en matière de postvention et d’éducation de la société. Il faut en finir avec la stigmatisation qui fait tant de mal à l’entourage de la personne décédée.

 

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