Depuis un certain temps, et quasiment dans le monde entier, de gigantesques campagnes sont menées pour motiver les fumeurs à renoncer à cette habitude. L’une des stratégies qui a été utilisée consiste à imprimer des avertissements anti-tabac sur les paquets de cigarettes.
Ces avertissements anti-tabac sont essentiellement passés par deux étapes. Au début, on relevait simplement une mention du type : « Fumer est mauvais pour la santé » ou « La cigarette est responsable du cancer ». Plus tard, il est devenu clair que ces déclarations étaient ignorées par la majorité des fumeurs.
Une fois ceci vérifié, il a été déterminé que les images pouvaient être beaucoup plus convaincantes pour les fumeurs. Dès lors, les mises en garde anti-tabac se sont accompagnées de photographies aux images fortes montrant l’état des différents organes atteints de cancer.
Ce sont sans aucun doute des images qui inspirent la peur. Et c’était précisément le défi : inspirer la peur. Or, cela n’a pas marché : pourquoi ?
« Quand j’ai eu soixante-dix ans, je me suis imposé la règle de vie suivante : ne pas fumer quand je dors, ne pas arrêter de fumer quand je suis éveillé et ne pas fumer plus d’un tabac à la fois. »
-Mark Twain-
Avertissements anti-tabac et terreur
Bien que la peur soit une force très puissante, motivant d’innombrables actions chez les êtres humains, dans le cas des fumeurs, elle n’a pas eu l’effet escompté. Une étude réalisée en Colombie a montré que les personnes les plus indifférentes à ce type de message sont précisément celles qui fument le plus : les hommes entre 21 et 25 ans.
Cependant, la même étude note que les images horribles de poumons en décomposition ou de langues presque détruites sont ignorées par 60% des consommateurs de cigarettes. Ceux-ci font presque tous la même chose : ne pas regarder les photographies ou ne pas s’attarder dessus.
Le fait est que pratiquement tous les fumeurs savent que le tabac affecte leur santé. Avoir une bonne santé biologique ne fait pas partie de leurs priorités.
Fumer est bien plus qu’une mauvaise habitude : c’est une dépendance qui est aussi liée à des difficultés à gérer l’anxiété. Ainsi, une menace future, par le biais d’avertissements anti-tabac, ne les incite pas à arrêter de fumer.
L’effet paradoxe
Dans une étude de neuromarketing avec IRM fonctionnelle, réalisée par Martin Lindstrom et le Dr Gemma Calvert en 2007, il a été démontré que lorsque les fumeurs regardaient des images avec des avertissements anti-tabac, une zone du cerveau appelée le noyau accumbens était stimulée. Cette zone s’active lorsque le corps veut vraiment quelque chose.
Autrement dit, cela signifie que les avertissements anti-tabac ont un effet paradoxal : ils stimulent le désir de fumer, au lieu de le réduire. On a demandé à ceux qui ont participé à l’étude s’ils trouvaient les avertissements crédibles, et la plupart ont répondu oui. On leur a également demandé si les messages les incitaient à arrêter de fumer, et la plupart ont également répondu oui.
Malgré cela, ce qui se passait dans leur cerveau, d’après l’IRM, disait autre chose. Après avoir soigneusement analysé les données, les chercheurs ont conclu que les images d’avertissement généraient une dose importante d’anxiété chez les fumeurs. Ceci, à son tour, leur a donné envie d’une cigarette.
Les messages qui fonctionnent
Tout indique que, si beaucoup de gens fument, c’est justement parce qu’ils ne trouvent pas d’autre moyen de gérer leur anxiété. Il n’est donc pas bon de leur générer plus d’anxiété pour les persuader d’arrêter. Néanmoins, dans la même étude, il a été observé que certains messages supplémentaires avaient augmenté l’intérêt de nombreuses personnes pour arrêter de fumer.
Les avertissements anti-tabac associés aux dommages pouvant être causés à des tiers ont une plus grande influence sur l’envie d’arrêter de fumer. Lorsqu’on souligne les effets de la fumée secondaire sur les autres ou sur l’environnement , l’effet anxieux apparaît également mais s’accompagne d’une série de réflexions sur l’importance d’arrêter de fumer.
En tout cas, ce type de campagnes nous montre qu’infantiliser les gens n’est pas une bonne idée. L’utilisation de ce schéma de blâme-punition n’est pas efficace dans les comportements complexes, comme c’est le cas d’une dépendance. Si on ignore les mécanismes internes qui amènent une personne à « se faire du mal consciemment », les avertissements terrifiants ne seront que peu – ou pas – utiles.
Cet article Le curieux effet des avertissements anti-tabac est apparu en premier sur Nos Pensées.
Comments