Quand une mort se produit dans des circonstances traumatiques ou ambiguës, la présence d’une lettre écrite par la victime peut aider à éclaircir des aspects liés à ce fait. L’analyse des lettres de suicide fait partie du processus d’une autopsie psychologique, c’est-à-dire l’étude minutieuse réalisée par des professionnels pour reconstruire la mort par suicide.
Le suicide se trouve parmi les dix premières causes de mort dans les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). On considère qu’au moins 1100 personnes se suicident chaque jour dans le monde et que des centaines de milliers essaient de le faire, indépendamment de la géographie, culture, ethnie, religion et position socio-économique.
Un problème de santé mondial de cette envergure doit avoir une voix dans la société. C’est pourquoi nous abordons ici le sujet.
« Comment juger, dans un monde où l’on s’efforce de survivre à tout prix, ceux qui décident de mourir ? Personne ne peut juger. Chacun connaît la dimension de sa propre souffrance et sait si sa vie est vide de sens. »
– Paulo Coelho –
En quoi consiste une autopsie psychologique ?
Aujourd’hui, le suicide continue d’être tabou dans notre société. La honte et la culpabilité qui entourent cette mort créent une sorte de rideau derrière lequel on peut cacher ce qui s’est passé.
Le suicide est la première cause de mort non naturelle au sein de la population générale. Une mort par suicide peut être ambiguë. En ce sens, la présence d’une lettre de la personne décédée peut aider à éclaircir certains aspects.
C’est là qu’entre en jeu l’autopsie psychologique. Il s’agit d’un processus à travers lequel on différencie une mort par suicide d’un autre type de mort violente, comme l’homicide ou la tentative de simulation de suicide pour dissimuler un meurtre.
L’autopsie psychologique a pour objectif d’élaborer une reconstruction de la vie de la personne. Elle comprend une reconstitution de l’acte suicidaire à travers des entretiens réalisés auprès des proches de la personne décédée. On essaie ainsi de déterminer comment les faits se sont produits. L’autopsie psychologique doit répondre à trois questions :
- Pourquoi l’a-t-elle fait ? Il s’agit d’explorer les raisons qui ont poussé la personne à prendre cette décision.
- Quand et comment est-elle décédée ? Il s’agit de déterminer pourquoi la mort a eu lieu à ce moment précis et quelles circonstances psychopathologiques l’entouraient.
- De quelle façon s’est produit le décès ? S’il y a des ambiguïtés, il faut éclaircir ce qu’il s’est passé.
Les différents facteurs pris en compte
Pour que cette autopsie psychologique atteigne son objectif, différents facteurs doivent être explorés. Ces facteurs sont les suivants : le risque suicidaire que présentait l’individu, le niveau d’agressivité envers lui-même et envers les autres, son style de vie, sa personnalité et son état mental, ses zones de conflit vital et les possibles signaux d’alerte.
En plus de ces facteurs, et s’il y en a une, on étudiera la lettre de suicide que la personne laisse derrière elle. Celle-ci apporte en effet des informations personnelles importantes pour compléter l’analyse.
L’autopsie psychologique est valide et fiable. Elle surgit en tant que résultat d’un processus pour lequel des professionnels appliquent des techniques médico-légales standardisée. Elle se fait en toute objectivité et sans impliquer un autre type de relation clinique ou affective.
Cette autopsie peut être utilisée en tant qu’expertise si une partie la demande. Ou bien si le cas doit se présenter devant des audiences judiciaires.
Même si elle apporte beaucoup d’informations et permet d’éclaircir les faits, on doit bien garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une preuve irréfutable de la cause du décès. Il s’agit plutôt d’une conclusion probabiliste qui oriente et qui se base sur des données rassemblées et étudiées de façon très méticuleuse.
« Ce qui importe, ce n’est pas le sens de la vie en termes généraux, mais le sens concret de la vie de chaque individu à un moment donné. »
– Viktor Frankl –
Les types de lettres de suicide
La lettre de suicide peut aider à clarifier ce qui a poussé la personne à se tuer. Il faut prendre en compte que la présence d’un écrit où la personne explique ses raisons ou intentions reflète une préméditation claire et une préparation de l’acte. En d’autres termes, on ne voit pas souvent apparaître de lettres de suicide lors d’un acte impulsif.
Quand une personne laisse des mots d’adieu, c’est parce qu’elle pense depuis longtemps à sa propre mort et au message qu’elle veut transmettre. Les lettres de suicide peuvent apporter des informations sur trois aspects importants :
- L’état mental de l’individu.
- Les circonstances dans lesquelles il se trouvait.
- L’intentionnalité de la personne – ce qu’elle cherchait avec cet acte.
Aucune lettre ne ressemble à une autre. Il s’agit d’un élément absolument personnel, ce qui explique pourquoi il a une très grande valeur au moment d’être analysé. Le support sur lequel ces mots sont écrits peut être varié : papier, peau, miroirs, murs, etc.
La même chose se produit avec le moyen utilisé pour écrire : stylo, crayon à papier, rouge à lèvres, sang, bombe, etc. Chaque détail doit être pris en compte, car ils reflètent les nuances de l’acte et l’intentionnalité de la personne.
Selon les études réalisées, les lettres de suicide s’adressent par ordre d’importance aux frères/sœurs, à la police, au conjoint, aux amis, aux parents et aux autres membres de la famille. Le contenu fait généralement référence aux situations suivantes : maladies, problèmes économiques, chômage, solitude, vieillesse, perte d’un être proche, honte, etc.
Le contenu des lettres de suicide
Il y a différents types de contenu. Les différents messages que les lettres de suicide sont généralement les suivants :
- Adieu : la personne qui se suicide fait son adieu et remercie un être aimé. Elle essaie de tranquilliser ses proches pour qu’ils ne se sentent pas coupables de la décision qu’elle a prise.
- Instructions : la personne qui se suicide laisse des indications à des membres de sa famille, des avocats, des policiers, etc. Elle y détermine ce qu’elle veut faire de ses biens ou de son corps.
- Accusations : la personne essaie de rejeter la faute de cette décision sur d’autres. La lettre exprime sa colère et son angoisse.
- Pardon : la personne demande pardon pour le mal qu’elle a pu causer dans la vie et pour la souffrance provoquée par son suicide.
- Justification : la personne explique pourquoi elle a pris cette décision.
En somme…
Dans la majorité des cas, le suicide est une décision personnelle qui est prise à cause d’une souffrance insupportable.C’est la fin décidée par un individu qui ne trouve pas d’autre façon de sortir de sa situation et de sa douleur psychologique. La personne sent qu’elle n’a pas d’autre porte de sortie.
Permettre à quelqu’un d’exprimer ses envies de mourir et même ses intentions est très important. Cela nous offre en effet des informations précieuses pour savoir comment l’aider. Le silence n’aide jamais à prévenir un acte de suicide.
Nous devons donc être attentifs à ces signaux pour servir de soutien et encourager la personne à voir un professionnel, auprès duquel elle pourra envisager sa récupération psychologique de manière sûre. Gardons cela à l’esprit.
Effet Werther : la raison pour laquelle le suicide se propage
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