Enrique Pichon-Rivière est l’un des psychanalystes argentins les plus importants de toute l’histoire. Il est considéré comme l’un des initiateurs de cette école, non seulement en Argentine mais dans toute l’Amérique latine. Enrique Pichon-Rivière n’était toutefois pas un adepte orthodoxe de cette tendance. Il introduit plutôt ses propres contributions sur la base de son expérience et de ses connaissances.
Après une longue expérience clinique, Enrique Pichon-Rivière opta pour la psychologie sociale. Dans l’un de ses ouvrages les plus importants, De la psychanalyse à la psychologie sociale, il définit cette dernière comme une démocratisation de la psychanalyse. Son travail contribua grandement à la psychologie de groupe, se basant sur une perspective qui unissait dialectique, homéostasie et cybernétique.
« Il existe dans notre société un appareil de domination destiné, en dernière instance, à perpétuer les rapports de production. Ou, plutôt, les relations d’exploitation. Cet appareil de domination dispose de cadres auprès de psychiatres, psychologues et autres intervenants dans le domaine de la santé, qui véhiculent, justement, une position hiérarchique, de dilemme et non de dilemme de comportement ».
-Enrique Pichon-Rivière-
De même, Enrique Pichon-Rivière était un ardent critique des pratiques psychiatriques. Il pensait qu’elles étaient fortement influencés par les relations de pouvoir, plutôt que par des objectifs thérapeutiques. Selon lui, au lieu de faciliter le rétablissement des patients, elles perpétuent les fondamentaux de la maladie.
Enrique Pichon-Rivière et une enfance confuse
Enrique Pichon-Rivière naquit à Genève (Suisse). Son père était anglais et sa mère française. Il était le seul enfant du deuxième mariage de son père, mais il ne le découvrit qu’après l’âge de 6 ans. Apparemment, cela eut un grand impact sur lui.
Ses parents étaient des individus avec une idéologie progressiste. Socialistes par conviction, bien que disposant de bonnes ressources économiques. Ils promurent la lutte pour la justice et l’équité, ainsi que le rejet du racisme.
Ils vécurent en Europe, mais déménagèrent soudainement en Argentine. Pichon-Rivière déclara toujours qu’il ignorait la raison de ce déménagement.
Le futur psychiatre et psychanalyste arriva en Argentine à l’âge de 3 ans. La famille séjourna peu de temps à Buenos Aires, puis s’installa dans la province de Santa Fé, dans la zone connue sous le nom de “Chaco Santafesino” et plus tard à Corrientes. Il y avait une forte population d’autochtones guaranis, de sorte qu’Enrique Pichon-Rivière répéta souvent qu’il apprit à parler guarani avant d’apprendre l’espagnol.
La formation d’un futur psychiatre
La première rencontre avec l’œuvre de Freud eut lieu pendant ses études secondaires, à l’école de Goya. Cela le marqua profondément puisqu’il se sentit lui-même traversé par la conception magique du monde des Guarani et, en même temps, par ce qu’il ressentait comme des « secrets de famille ».
Dans la province de Corrientes, Enrique Pichon-Rivière devient l’un des fondateurs du parti socialiste dans la région. Plus tard, il décida d’étudier la médecine. Il s’installa alors dans la ville de Rosario. Là, il se consacra, dans une large mesure, à la bohème et obtint un emploi comme “instructeur de bonnes manières” auprès de prostituées polonaises.
Sa vie, un peu chaotique, l’amena à tomber malade d’une pneumonie. Il retourna donc à Goya puis s’installa à Buenos Aires, où il obtint son diplôme de docteur en 1936.
A Buenos Aires, il se lie d’amitié avec les intellectuels de l’époque, dont le célèbre écrivain Roberto Arlt. De même, il se passionne pour la poésie et la littérature et finit par écrire des notes d’art et de sport pour le journal La Crítica.
La pratique psychiatrique
Enrique Pichon-Rivière suivit également une formation d’anthropologue puis de psychiatre. Il travailla d’abord à l’Asile de Torres pour oligophréniens. Il entra ensuite à l’Hospice de La Merced en tant que psychiatre. Il y travailla pendant 15 ans et incuba les postulats qu’il abordera plus tard dans sa théorie. La première chose qui le frappa était la maltraitance des infirmières envers les patients.
Pichon-Rivière créa alors des groupes de travail avec des infirmières, pour les instruire sur les notions de base de la psychiatrie et les amener à mieux soigner les patients. Cela représentait un grand changement.
Cependant, plus tard, les infirmières firent une grève qui dura plusieurs mois. Pichon-Rivière fut donc contraint de former certains patients pour les remplacer.
Le résultat fut surprenant. Les patients infirmiers commencèrent à améliorer leurs conditions à pas de géant. Le fait d’être occupé, de se sentir utile et d’interagir d’une autre manière avec l’hôpital eut un impact significatif sur leur amélioration. C’est ainsi que Pichon-Rivière commença à accorder une valeur beaucoup plus importante au facteur social de la maladie mentale.
Après une brillante carrière et plusieurs ouvrages publiés, Enrique Pichon-Rivière fonda une école privée de psychologie sociale et postula sa théorie sur les groupes opératoires. Il décéda à Buenos Aires, le 16 juillet 1977, à l’âge de 70 ans.
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