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L’univers féminin d’Alfred Hitchcock : fascination et violence sexuelle

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Alfred Hitchcock reflétait comme personne d’autre la nature mystérieuse des femmes. Une grande partie de ses personnages féminins suivaient le même schéma : elles étaient blondes, aux coiffures parfaites, sophistiquées, énigmatiques et intelligentes. Cependant, derrière cette lueur se cachait aussi une obsession, un appétit frustré qui se manifestait non seulement dans ses films, mais aussi dans la vraie vie.

Près de quatre décennies se sont écoulées depuis sa mort et pourtant, prononcer le nom d’Hitchcock, c’est nous replonger immédiatement dans cet âge d’or du cinéma qui nous fascine tant. Peu de réalisateurs ont été aussi habiles pour manier la narration visuelle, nous émouvoir et nous effrayer à la fois, transformer le spectateur en véritable voyeur et dépasser les limites de tout ce qui avait été fait jusqu’ici.

« Mon amour pour le cinéma est plus grand que ma morale. »

-Alfred Hitchcock-

Comme le disait François Truffaut, lui seul était capable de raconter une histoire d’amour comme un meurtre et de la rendre crédible. Seul Hitchcock était capable de créer un langage visuel si assorti de significations psychologiques, pour nous situer dans des territoires jusque-là inexplorés. Pourtant, peu de cinéastes ont aussi porté l’image des femmes à cette lisière où la douleur est soudainement devenue de l’art, où la peur, l’aliénation et le traumatisme ont été mis en scène avec une maîtrise exceptionnelle, camouflant en quelque sorte ce qui se passait aussi derrière les caméras.

Alfred Hitchcock, les femmes et le sexe indirect

L’une des ressources cinématographiques les plus connues d’Alfred Hitchcock était l’utilisation de ces plans réalisés à vol d’oiseau. C’était presque comme si le regard d’un dieu nous assistait d’en haut et, soudainement, l’être humain était éclipsé et presque flou devant le mystère de la vie quotidienne. Une route déserte à côté d’un champ de maïs en attendant un bus, une aire de jeux où quelques oiseaux nous observent depuis les lignes électriques…

Dans ces plans, la personne était soudain l’élément le plus vulnérable, quelqu’un qui regarde autour de lui avec inquiétude, quelqu’un qui, même en sachant que ce qui l’entoure est inoffensif, perçoit un danger menaçant. Cette même chose, aussi curieux que cela puisse nous paraître, est ce qu’ont vécu la plupart des actrices qui ont travaillé avec Hitchcock. Tippi Hedren elle-même l’a expliqué dans ses mémoires : « C’était un sadique, un prédateur sexuel »,dit-elle de lui dans son livre.

La dévotion d’Alfred Hitchcock pour les femmes blondes était déjà mise en scène dans l’un de ses premiers films, Les Cheveux d’or (1927). Dans ce film, le cinéaste britannique exauce l’un de ses vœux les plus fervents : montrer une femme qui crie, une jeune femme qui attirerait l’attention pour ses cheveux dorés. Des années plus tard, cette dévotion deviendra une véritable obsession lorsqu’il commencera à travailler avec Grace Kelly.

La plupart de ses pulsions se sont en effet soudainement condensées en elle. Il voulait des femmes qui évoquent ce qu’il appelait « le sexe indirect ». Des femmes élégantes, sophistiquées et apparemment délicates, mais que l’on pourrait imaginer transformées en prostituées dans la chambre. Cette ambiguïté a donné à ses films une plus grande fascination et, à son tour, lui a permis d’afficher ces comportements d’abus et de harcèlement pour lesquels il n’a jamais reçu de punition ou de critique.

Hitchcock dans une lunette arrière

Les femmes et la violence

Personne ne pouvait toucher ses actrices. Aucun acteur ne pouvait les approcher, à moins que les exigences du scénario ne le permettent. Chaque robe, chaque coiffure (et même la nuance de blond), la couleur des chaussures, le geste et le mouvement étaient auparavant étudiés au millimètre près par Alfred Hitchcock.

Dans son esprit habitait un modèle exquis d’idéal féminin auquel toutes devaient s’adapter. Une même femme interprétant les rôles les plus complexes, ceux grâce auxquels Grace Kelly, Vera Miles, Janet Leigh, Kim Novak, Doris Day, Eva Marie Saint et bien sûr, Tippi Hedren, se sont faites connaître.

Dans de nombreux films d’Alfred Hitchcock, la caméra se délecte d’être témoin de la douleur féminine. Nous l’avons vu dans le corps nu de Leigh poignardé dans Psychose. Nous avons été témoins de cela lorsque Tippi Hedren a été violée par son mari (Sean Connery) lors de leur lune de miel à Pas de printemps pour Marnie. Et on le contemple également dans l’une des scènes les plus emblématiques du monde du cinéma : quand Tippi Hedren est attaquée par d’innombrables oiseaux avides de violence et de sang.

Tippi Hedren dans Les Oiseaux

Le kaléidoscope de la douleur, des traumatismes et de la souffrance des femmes dans les films d’Hitchcock est sans fin. Nous retrouvons ces mères manipulatrices et malfaisantes, la femme qui vole, celle qui ment, celle qui trahit et nous avons bien sûr ces hommes qui sont victimes de leurs manigances. À titre d’exemple, Norman Bates, soumis à une rage œdipienne infantile, dans l’ombre de cette mère jalouse, ou Maxim de Winter, victime traumatisée des actes de sa femme, Rebecca.

Ces portraits ne sont pas exempts d’une certaine fascination aux yeux du spectateur, aux yeux de tout bon amateur de cinéma. Nous le savons bien. Cependant, ce plaisir secret d’intimider et de montrer le côté le plus sombre et aussi vulnérable des femmes a également été mis en scène derrière les caméras. De ce qui s’est passé sur ces plateaux de tournage, nous ne savons presque rien. Nous n’avons que le témoignage de Tippi Hedren.

Après avoir refusé ce qui n’était guère plus qu’une routine à Hollywood (avoir des relations sexuelles avec des réalisateurs et des producteurs), cette dernière a été victime de harcèlement constant, d’agressions, de surveillance, du contrôle le plus exhaustif et, ce qui fut encore pire pour elle : Alfred Hitchcock a réussi à ruiner sa carrière artistique. Il a fait en sorte qu’Hedren ne puisse travailler pour personne d’autre, afin qu’aucun producteur ne vienne frapper à sa porte.

Certains disent que Norman Bates était l’essence même d’Hitchcock. Quelqu’un qui était piégé dans un moment traumatisant de son passé, quelqu’un qui se sentait victime des femmes, de ces démons blonds intrigants, des présences apparemment innocentes mais toujours hors de sa portée, toujours parfaites mais froides dont il devait se venger d’une manière ou d’une autre.

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ChMaille

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