L’obsession pour le succès est presque devenue synonyme de notre valeur personnelle. Pas seulement le succès en soi, mais également l’obsession pour le succès.
Lorsque quelqu’un n’a pas pour objectif de gagner beaucoup d’argent ou d’avoir un travail enviable, son entourage lui pose généralement la question suivante : « alors, à quoi aspires-tu ? » C’est comme si le succès, traduit en argent, devait constituer la colonne vertébrale de toute vie à tout moment.
Combien de fois avons-nous ressenti une once de jalousie à la pensée que les autres ont plus de succès que nous ? À combien de reprises avons-nous comparé notre voiture avec une autre de gamme supérieure ? Ou encore notre maison avec une autre maison plus grande ?
Pourquoi aspirons-nous sans cesse à plus et pourquoi maintenons-nous cette aspiration alors que nous sommes conscients de l’amertume que nous recevons en échange ? Pour ces raisons, nous nous posons ici la question suivante : le fait d’aspirer toujours à plus, est-ce une caractéristique inhérente de l’être humain ou est-ce le fruit d’un conditionnement de la société ?
L’obsession pour le succès : une obsession naturelle ou culturelle ?
Depuis notre plus jeune âge, nous sommes bombardés de messages sur le prétendu plan de vie idéal. L’imposition d’une idéologie concrète limite, à de nombreuses reprises, notre vision au sujet d’autres points de vue.
Cela veut dire que si l’on nous enseigne à penser que le succès consiste à avoir beaucoup d’argent, nous croirons que l’objectif de l’être humain est d’accumuler de l’argent. Si l’on nous enseigne que le succès est de bien traiter les autres, notre objectif sera alors d’être une bonne personne. L’influence sociale joue donc un grand rôle dans nos aspirations sociales et personnelles.
Il n’existe pas une loi naturelle qui affirme que l’être humain doit accumuler beaucoup d’argent ni posséder de nombreuses propriétés. L’obsession pour le succès est la conséquence d’une imposition sociale et culturelle.
Et pourtant, nombreuses sont les personnes qui n’ont pas conscience de cela car, généralement, ce sont les exigences surréalistes et démesurées qui prédominent dans la société. Ainsi, si dès un jeune âge nous associons le succès au travail, il est alors fort probable que le travail représente pour nous le vrai succès.
« Parmi toutes ces qualités qui développent le bonheur, je suis convaincu que l’amour altruiste est la plus puissante. »
-Matthieu Ricard-
L’obsession pour le succès et la frustration
Parmi les épidémies les plus répandues du XXIè siècle figurent la dépression et l’anxiété. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a affirmé en 2016 que plus de 350 millions de personnes souffraient de dépression.
En 2012, cette même organisation affirmait que le plus inquiétant est que « dans 20 ans, la dépression sera la maladie dont les êtres humains souffriront le plus, dépassant ainsi le cancer et les troubles cardiovasculaires ».
Ce constat est-il lié à l’obsession pour le succès ? Absolument. L’imposition d’objectifs irréels est source de frustration, car nous ne sommes pas capables de les atteindre. Nombreuses sont les personnes qui affirment que leur vie est un échec parce qu’elles n’ont pas un bon travail, parce que leur voiture est « normale » et parce que leur maison n’est « pas bien grande ».
Elles n’apprécient pas ce qu’elles ont. Et pourtant, rien qu’avec ce qu’elles ont déjà, ces personnes sont bien plus riches qu’une immense majorité de la population mondiale. C’est comme s’il était plus naturel de regarder le ciel à la place de l’horizon ou de la terre.
Heureusement, nous nous approchons petit à petit d’une conception du succès plus saine : être heureux ici et maintenant. Apprécier ce que nous avons et suivre un chemin moralement correct est bien plus admirable que le désir d’accumuler des biens matériels et le désir de prestige.
Si nous prêtons attention à ces personnes dont l’obsession pour le succès est très forte, nous nous apercevrons que ce sont ces personnes qui souffrent le plus. À l’inverse, les personnes qui se soucient des autres et qui sont reconnaissantes pour ce qu’elles ont sont bien plus heureuses. Il convient de préciser qu’être reconnaissant ne veut pas dire se conformer : il est question de savoir profiter de ce que nous possédons au moment présent.
Diogène et Alexandre le Grand
L’histoire raconte que Alexandre le Grand souhaita s’entretenir avec Diogène, un homme qui vivait dans un tonneau ; ce tonneau était d’ailleurs l’un de ses quelques biens. Certains considéraient que cet homme était un chien, et pour d’autres, c’était un sage.
Lorsque Alexandre le Grand se présenta à lui, il lui fit part de son admiration et les deux hommes entamèrent une conversation. Alexandre le Grand lui dit la chose suivante : « Demande-moi ce que tu veux. Je peux te donner toutes les choses que tu désires, même celles dont les hommes les plus riches d’Athènes n’oseraient pas rêver ».
Diogène eut ainsi l’opportunité de changer radicalement sa vie… L’opportunité de vivre dans un palais et de profiter d’une fortune. Et pourtant, sa réponse ne fut pas celle à laquelle nous nous serions tous attendus…
Sa réponse fut la suivante : « Bien entendu. Ce n’est pas moi qui vais t’empêcher de démontrer ton affection envers moi. Je souhaiterais que tu t’éloignes du soleil afin que ses rayons me touchent. En ce moment-même, c’est mon plus grand désir. Je n’ai aucun autre besoin et il est vrai que seul toi peut m’apporter cette satisfaction. »
La légende dit que Alexandre le Grand déclara que s’il n’avait pas été Alexandre le Grand, il aurait voulu être Diogène. Cette anecdote montre que certains de nos besoins sont simplement culturels. Pour Diogène, le succès consistait à vivre tranquillement et à profiter des rayons du soleil. Pour Alexandre le Grand, le succès consistait à conquérir de plus en plus de terres.
De l’obsession pour le succès à la compassion
Matthieu Ricard, docteur en biologie moléculaire et moine bouddhiste est considéré comme « l’homme le plus heureux de la planète ». Matthieu Ricard affirme que « la compassion, l’intention d’éliminer la souffrance d’autrui ainsi que ses causes, si on l’associe à l’altruisme, c’est-à-dire au souhait d’apporter du bien-être aux autres, est le seul concept unificateur qui nous permette de trouver notre voie au sein de ces préoccupations si complexes ».
Ces préoccupations renvoient au monde dans lequel nous vivons et auquel, d’une certaine façon, nous avons donné forme. Matthieu Ricard affirme que la compassion apporte du sens à notre existence. Par conséquent, plutôt que de nous focaliser seulement sur notre succès, il serait bon de se rendre compte que le bonheur et une grande partie du sens de la vie consiste à prendre soin des intérêts des autres.
Il ajoute que le bonheur « n’est pas une succession d’expériences plaisantes. C’est une façon d’être résultant d’un ensemble de qualités humaines fondamentales comme la compassion, la liberté et la paix intérieures, la résilience, etc.. ». Il nous livre également la clé pour développer ces qualités : « chacune de ces qualités est une capacité qui peut être cultivée au travers d’un entraînement de l’esprit ainsi que d’actions et d’intentions positives. »
« Tous les bonheurs du monde viennent de la recherche du bonheur d’autrui ; toutes les souffrances du monde viennent de la recherche de son propre bonheur. »
-Shantideva-
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