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Victor Leborgne, un cas clinique qui a changé les neurosciences

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Le cerveau de Victor Leborgne est probablement le cerveau le plus étudié de l’histoire des neurosciences. Il a été conservé au musée Dupuytren (Musée pathologique d’anatomie) à Paris pendant plus d’un siècle avant d’être transféré dans les réserves du site de l’université des sciences Pierre et Marie Curie de Jussieu en 2016 (à la fermeture du musée). Il a été examiné des milliers de fois.

Jusqu’à très récemment, nous en connaissions très peu sur la vie de cet homme à qui nous devons d’importantes découvertes scientifiques.

La conservation du cerveau de Victor Leborgne au musée a facilité son étude. Grâce à ce cerveau, la science est parvenue à identifier l’aire qui contrôle le langage. Notons tout de même que nous ne savons pas réellement si Victor Leborgne a autorisé ce don à la science. En revanche, nous savons que nous lui devons énormément. Ses souffrances ont permis d’illuminer le chemin de la médecine.

Cezary W. Domanski, psychologue et historien en sciences à l’Université Marie Curie de Sklodowska en Pologne, a décidé de faire des recherches sur l’histoire de Victor Leborgne. Lorsqu’il a commencé ses recherches, on ne connaissait que le nom de famille de ce patient et on n’avait aucune information concernant son histoire.

Les croyances de l’époque

Le cas de Victor Leborgne a été présenté en 1861 par le docteur Paul Broca devant la Société d’Anthropologie de Paris. Il s’agissait à l’époque d’une découverte neurologique de grande envergure. Le médecin était parvenu à identifier avec exactitude la région du cerveau responsable du langage. Depuis, on connaît alors cette zone sous le nom d’aire de Broca.

Broca n’a pas été le premier à signaler le fait que le langage puisait probablement sont origine dans la lobe frontal du cerveau. Cependant à l’époque, la majorité des opinions convergeait vers l’hypothèse suivante : les fonctions mentales trouvaient leur origine dans les cavités creuses du cerveau. On pensait que le cortex cérébral n’était rien de plus qu’un amas de vaisseaux sanguins et de tissus sans fonction majeure.

Broca a utilisé le cerveau d’un homme qu’il a nommé Monsieur Leborgne pour démontrer sa théorie. On ne sait pas réellement pourquoi il l’a nommé ainsi car à cette époque, il n’existait aucune information au sujet de l’individu. On savait uniquement qu’il s’agissait d’un homme qui avait perdu la parole.

L’histoire retracée de Victor Leborgne

Domanski, l’historien polonais, a débuté son enquête à Paris. Il est parvenu à obtenir le certificat de décès d’un homme nommé Victor Leborgne dont la date coïncidait avec les dates utilisées par le docteur Broca pour faire sa présentation. Cette date lui a permis de retracer l’histoire de Leborgne dans les détails.

Victor Leborgne était né le 21 juillet 1820, à Moret-sur-Loing, une commune française. Son père, Pierre Leborgne, était instituteur dans une école. Sa mère, Margueritte Savard, était une femme modeste. Le couple avait eu 6 enfants et Victor était le quatrième de la fratrie.

Très jeune, Leborgne avait commencé à souffrir de crises d’épilepsie. Malgré cela, Victor a mené une vie relativement normale. Il s’est instruit afin de devenir formier, un travail artisanal consistant à élaborer des moules en bois destinés aux fabricants de chaussures. Dans sa région d’origine, les tanneries ne manquaient pas et les magasins de chaussures étaient très communs.

Paul Broca et ses études sur le cerveau de Victor Leborgne

La perte de la parole et la découverte

Tout semble indiquer que Leborgne faisait des crises d’épilepsie de plus en plus longues et de plus en plus sévères. A l’âge de 30 ans, il a fait une crise très violente qui l’a privé de la parole. Il s’est retrouvé à l’hôpital de Bicetre 2 mois après avoir perdu la parole. Il y est resté pendant les 21 années de vie qui ont suivi, jusqu’à sa mort.

Victor Leborgne ne présentait en principe aucun autre problème. Selon toute apparence, il comprenait tout ce qu’on lui disait mais lorsqu’il tentait de parler, il ne pouvait prononcer que la syllabe « Tan ». On pense aujourd’hui qu’il faisait référence aux ateliers de tannerie qui, en français, s’appelaient les moulins à tan.

Après 10 années passées à l’hôpital, Leborgne a commencé à présenter des signes de détérioration. Son bras et sa jambe gauche ont perdu en tonicité. Il a ensuite commencé à perdre la vue et ses facultés cognitives. Sa dépression l’a cloué au lit pendant de nombreuses années. Il a même du faire face à la gangrène. C’est à ce moment que le docteur Broca a été convoqué.

Lorsque Victor Leborgne est mort, Broca a réalisé une autopsie. Il a alors pu observer une anomalie au niveau du lobe frontal. Cela lui a permis de prouver son hypothèse et par conséquent, de modifier les connaissances des neurosciences pour toujours.

L’humanité doit beaucoup à Victor Leborgne. Cet homme dont on avait oublié le nom et qui a souffert de limitations pendant 21 ans dans un hôpital.

 

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