La pensée polarisée est une distorsion cognitive. Cela signifie qu’il s’agit d’une erreur de raisonnement que nous commettons sans nous en rendre compte. Nous traitons de manière erronée l’information que la réalité nous fournit ce qui nous pousse à expérimenter un certain niveau de perturbation émotionnelle.
Les distorsions cognitives ont été décrites par Albert Ellis et Aaron Beck. En général, on les définit comme des croyances erronées qui créent un état moral dysfonctionnel. Des peurs irrationnelles ou une tristesse sans fondement en sont des exemples. La pensée polarisée correspond à l’une de ces modalités de la distorsion cognitive.
Ce qui se cache derrière la pensée polarisée est en fait une simplification extrême de la réalité. Les choses sont blanches ou noires, positives ou négatives, etc. En adoptant ce type de point de vue, nous sommes incapables d’identifier les nuances qui existent entre un extrême et un autre. A quoi est dû ce phénomène ? Comment surmonter cette vision ? Approfondissons.
« Toujours généraliser revient à se tromper. »
Les caractéristiques de la pensée polarisée
La principale caractéristique du raisonnement dichotomique est la tendance à généraliser et à regrouper les différentes réalités dans une seule et unique catégorie. Pour cette raison, les mots favoris des individus qui pensent ainsi sont les termes catégoriques suivants : toujours, jamais, tout, rien, etc. Ils en font usage de manière automatique. Ils doivent mettre l’ensemble des événements isolés qui se présentent à eux dans des cases.
Ce qui est préoccupant, c’est que ces catégories extrêmes sont généralement très négatives. Ils en font usage pour évoquer l’existence de quelque chose de mauvais. Ils font un usage courant d’expressions telles que « Je rate tout ce que j’entreprends« , « Tout le monde finit par profiter de moi« , ou d’autres raisonnements du même type.
Pour ceux qui adoptent un raisonnement dichotomique, c’est comme s’il n’existait aucune nuance ou aucun point intermédiaire. Ils construisent une bonne partie de leur identité sur des classifications contondantes et ils cherchent à tout positionner ainsi. Bien que la réalité ne leur démontre leur erreur, ils résistent et ne souhaitent pas abandonner leur radicalisation.
Pourquoi cette distorsion cognitive fait-elle son apparition ?
En général, la pensée polarisée est caractéristique de ceux qui adoptent une position de victime face à la vie. Personne ne raisonne ainsi sans raison, par simple caprice. Il s’agit en fait d’un blocage émotionnel qui est le produit d’expériences non résolues. Dans le fond, il existe une idée forte : quelque chose est arrivé à la personne, « quelque chose de mal » que la personne ne méritait pas.
La victime se considère personnellement comme un objet passif des circonstances ou du « destin ». Et elle renonce à cela. Elle est persuadée de n’avoir aucun contrôle sur les événements négatifs qu’elle a expérimentés et encore moins sur leur gestion. Elle suppose qu’elle a été le référentiel passif d’une blessure face à laquelle aucune réponse n’était possible.
Il s’agit alors d’un blocage du développement émotionnel. Une personne de ce type se considère constamment comme un enfant. Elles n’a pas découvert d’outils ni acquis les ressources nécessaires pour surmonter les difficultés. En échange, elle projette sa plainte et adopte la pensée polarisée comme un support de sa position existentielle.
Surmonter la pensée polarisée
Ce type de raisonnement n’est pas uniquement une erreur cognitive ; il implique des difficultés passées et non résolues. Les surmonter suppose d’adopter une nouvelle perspective vis-à-vis de notre propre histoire, de ce que nous sommes actuellement, et de ce que nous pouvons actuellement faire.
Adopter la position de victime des circonstances suppose une certaine récompense : l’exemption de toute responsabilité. Bien entendu, pour sortir de cela, nous devons accepter d’être responsable de ce qu’il nous arrive, mais également de la manière avec laquelle nous abordons les choses.
Un bon moyen de commencer consiste à nous défaire de nos automatismes. Il faut allumer une alarme à chaque fois que nous prononçons des termes catégoriques tels que « jamais », « toujours », « tout » ou « rien » par exemple. Ensuite, il sera nécessaire d’évaluer l’affirmation que nous sommes en train de faire et de savoir si elle est raisonnable.
Au-delà de cela, il est important de penser aux situations au cours desquelles nous nous identifions en victime. Cela peut par exemple être une relation de couple nous causant un certain mal-être, ou un travail que nous percevons comme excessivement prenant.
En vérité, l’unique option que nous avons est-elle celle de supporter et de résister ? Ou avons-nous à disposition d’autres issues que nous avons peur d’adopter ? La pensée polarisée est peut-être un indicateur prouvant que nous ne prenons pas la situation suffisamment au sérieux. Nous avons peut-être besoin d’un espace et de temps afin de penser à ce qu’il se passe.
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