Entendre quelqu’un nous dire « je sais ce que tu ressens » peut ressembler, dans un premier temps, à un geste d’empathie. Cependant, d’un point de vue psychologique, cette phrase n’est pas toujours juste. En réalité, nous ne pouvons pas imaginer la réalité émotionnelle traversée par une personne; il est donc préférable de l’écouter et de lui dire qu’elle peut compter sur nous.
Cela peut sembler ironique mais, bien souvent, nous ne savons même pas ce que nous ressentons nous-mêmes. Ainsi, le fait que quelqu’un nous dise qu’il/elle sait parfaitement ce que nous vivons n’est pas une chose très adéquate. Cependant, nous ne sommes pas tous experts en counselling ou habiles en stratégies psychologiques ; il est donc habituel de rencontrer ces situations au quotidien.
Nous les vivons surtout avec les personnes qui nous sont les plus chères. Les pères et les mères ont souvent recours à cette phrase quand ils parlent à leurs enfants. Or, dire « je sais ce que tu ressens » empêche souvent l’enfant de nous dire précisément ce qu’il traverse avec ses propres mots.
Nous ne devons pas oublier une chose : chaque personne, chaque être humain constitue un univers singulier. Un univers parfois peuplé de systèmes chaotiques, de planètes à la dérive et de petits trous noirs que personne ne peut voir d’un simple coup d’œil…
Quand des gens nous disent « je sais ce que tu ressens », ils ne le savent pas toujours
En général, nous avons une mauvaise habitude. Nous prenons les choses pour acquises au lieu de poser des questions. Pourquoi ? Parce qu’utiliser des phrases au lieu de sonder l’état émotionnel de l’autre génère moins d’efforts cognitifs. En plus, nous économisons du temps.
Par exemple, quand un collègue nous commente qu’il a passé une mauvaise journée avec son conjoint, nous allons probablement lui dire « je sais ce que tu ressens ». Prononcer cette phrase peut nous faire penser que nous générons de l’empathie et une connexion avec la personne qui se trouve en face de nous. Or, nous oublions que l’univers émotionnel d’une personne ne sera jamais le même que le nôtre. Aucune réalité interne ne ressemble à une autre.
Qui plus est, lors de ces situations, au lieu d’être réceptifs à la réalité personnelle de l’autre, nous ne faisons que valider la nôtre. Et cela n’aide pas.
Nous avons naturellement tendance à nous connecter, mais nous ne le faisons pas toujours de la bonne façon
Dans une étude menée à l’Université de Virginie par les docteurs Lane Beckes et James A. Coan, une chose très intéressante a été mise en relief. Le cerveau humain possède une série de schémas neuronaux destinés à se connecter aux autres personnes. Nous le faisons parfois si intensément que nous pouvons ressentir la souffrance de la personne devant nous.
Il faut malgré tout savoir que « ressentir ce que l’autre ressent » ne nous permet pas toujours de comprendre avec exactitude la réalité personnelle de l’autre. Une mère peut souffrir pour son enfant et ne pas savoir ce qu’il traverse. Un ami peut souffrir pour un autre et ne pas savoir ce qui est en train de se passer. Il est donc important de savoir se connecter correctement et, surtout, de façon respectueuse.
Dire « je sais ce que tu ressens » ne serait apparemment pas une bonne stratégie. Du moins, pas dans tous les cas.
Quelle est la meilleure manière de se connecter à quelqu’un qui traverse un mauvais moment ?
Que ce soit un enfant, un adolescent, notre meilleur ami, une personne âgée ou un inconnu, nous devons éviter, dans la mesure du possible, d’utiliser la phrase « je sais ce que tu ressens ». Nous ne devons pas croire que lors d’une même situation, deux personnes feront face aux mêmes réalités émotionnelles.
Prenons un exemple. Dans une étude réalisée à l’Université de Genève par les docteurs Klaus R. Scherer et Agnes Moors, une expérience très curieuse a été menée. Une question a été posée à 3000 adultes : comment vous sentiriez-vous si vous entendiez deux amis dire de mauvaises choses sur vous ?
Aussi curieux que cela puisse paraître, 14 types d’émotions ont été identifiés. Certaines personnes ressentaient de la rage. D’autres, de la honte et de la déception. Certaines se sentaient coupables, quelques-unes se sentaient seules… Et, enfin, quelques individus disaient ressentir de l’indifférence car quelqu’un qui parle dans leur dos n’est tout simplement pas un ami.
Voyons maintenant quelles sont les alternatives que nous pouvons utiliser pour éviter le « je sais ce que tu ressens ».
Expressions pour remplacer « je sais ce que tu ressens »
Dans un premier temps, le plus important est de savoir écouter la personne qui se tient devant nous. N’oublions pas que certaines phrases et certains mots peuvent dresser des murs entre nous.
- Évitons des expressions comme : ce n’est rien, j’ai aussi connu ça, tu prends les choses trop à cœur, c’est toujours la même chose avec toi, tu dois changer d’approche, etc.
- Au lieu de dire « je sais ce que tu ressens », pensons à dire « dis-moi ce que tu ressens ».
- Nous devons comprendre que détailler ou exprimer ce que nous avons au fond de nous n’est pas simple. Les émotions sont complexes, chaotiques, et les accepter ou les traduire demande du temps. Par conséquent, l’autre personne a surtout besoin de se sentir soutenue à chaque instant.
Parfois, un « je suis là avec toi » est plus utile que n’importe quelle autre expression. Car en fin de compte, il s’agit d’être présents, de créer un climat de proximité dans lequel nous ne prenons rien pour acquis, ne sanctionnons pas, n’émettons pas de jugements et ne nous plaçons pas au-dessus de l’autre. Pensons-y.
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