Les restrictions imposées par la situation actuelle ont pour but de freiner la propagation du coronavirus. En dépit de la gravité de la situation, nous continuons de voir des plaintes contre des personnes qui ne respectent pas ces mesures. Mais sont-elles irresponsables ou victimes de la réactance psychologique ?
Après avoir suivi l’évolution de l’épidémie en Chine, le 24 janvier 2020, nous recevions la nouvelle des trois premiers cas de coronavirus en France. Cette nouvelle a été observée avec un calme relatif… Jusqu’à ce que le nombre de contagions augmente, au point d’obliger le gouvernement à établir des mesures de confinement.
La fermeture des centres éducatifs et des centres de loisirs a été décrétée et les événements ont été suspendus. On a par ailleurs demandé aux entreprises de favoriser le télétravail pour leurs employés. Mais ces mesures n’ont pas abouti aux résultats escomptés.
Le 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré en France. Les mesures pour limiter le risque de propagation du virus se sont intensifiées ; les citoyens ont reçu l’ordre de ne pas sortir de chez eux, sauf pour acheter des biens de première nécessité, pour aller travailler (en cas d’impossibilité de télétravail) et pour prendre soin de personnes âgées et/ou en situation de dépendance ou en cas d’urgence.
Comment les gens ont-ils réagi face aux mesures ? Les premiers indices de réactance psychologique
Ces mesures ont reçu différentes réponses de la part de la société. La première a consisté à dévaliser les supermarchés, comme cela s’était déjà produit avec les masques, les gants et les gels hydroalcooliques.
Ceci peut s’expliquer par la peur d’un isolement total, parce que l’on veut éviter de se rendre dans des lieux très fréquentés par la suite (quand le risque de contagion sera plus élevé) ou par crainte de pénurie.
La seconde réponse, et la plus préoccupante, est la prise à la légère de ces mesures, surtout au tout début, quand elles étaient moins restrictives.
Avec la suspension des cours, les discothèques ont organisé des fêtes et les jeunes se sont rués dans les bars et les terrasses pour profiter du beau temps. Les parcs ont été envahis d’enfants, et beaucoup étaient gardés par leurs grands-parents (groupe à risque).
Les travailleurs, profitant du télétravail, et les étudiants, à cause de la fermeture des universités, sont rentrés dans leurs villes et villages d’origine. On a même vu des familles entières, considérant cette période comme des vacances, partir pour leur résidence secondaire.
Pourquoi ne respectons-nous pas la quarantaine ?
Brehm étudie les conséquences de la limitation de la liberté des sujets et a inventé le terme «réactance psychologique». La réactance est une réaction de type motivationnel ou émotionnel qui surgit quand l’individu voit sa liberté limitée ou menacée. Le but est de récupérer cette liberté d’action.
Decharms, de son côté, explique que le besoin de décider librement de son comportement (besoin d’auto-détermination) est une motivation primaire. Par conséquent, lorsque cette dernière est entravée, la réactance psychologique se produit. Elle dépend de plusieurs facteurs :
- L’attente de liberté : en d’autres termes, plus la sensation de liberté est grande, plus la réactance psychologique sera importante face aux limitations. Personne n’avait imaginé que l’on nous interdirait de sortir de chez nous
- L’importance de la liberté : si celle-ci est importante pour le sujet, sa limitation causera une plus grande réactance psychologique. Car qu’y a-t-il de mieux que d’aller dîner un vendredi soir avec des amis après une semaine difficile ?
- La force de la menace : plus la force est grande, plus la réactance psychologique est importante. Nous pouvons supporter le fait que des événements soient annulés, mais pas qu’on nous interdise de sortir
- La proportion de libertés menacées : plus le nombre de comportements perçus comme libres et désormais limités est important, plus la réactance psychologique sera forte. On ne fait pas que nous empêcher d’aller travailler : on n’a pas non plus le droit d’aller au cinéma ou d’aller prendre un café dans un bar
- La légitimité de la source de limitation : la légitimité réduit généralement la réactance psychologique mais a parfois des effets contradictoires. On a pu le voir avec les premières mesures et les plaintes vis-à-vis de la gestion du gouvernement
De quelle façon répondons-nous pour restaurer la liberté perdue ?
Voici les façons les plus habituelles :
- Restauration directe : nous faisons exactement ce qui a été interdit ou, du moins, appliquons des comportements associés. Un exemple clair est celui des gens qui, face à la fermeture des bars, se sont réunis dans la rue pour boire un verre en dépit des interdictions
- Restauration indirecte : nous mettons en place des comportements équivalents ou des comportements qui démontrent qu’il est possible de faire ce qui a été interdit. Pour illustrer cela, nous pourrions prendre l’exemple de la personne qui, face à l’interdiction d’aller se promener, va tous les jours au supermarché qui se trouve à 3 km pour réaliser cette promenade
- Réponses subjectives : ceci explique pourquoi un comportement interdit va, presque inévitablement, être perçu comme plus attractif et appréciable. C’est l’exemple classique de «on ne connaît jamais la valeur de ce que l’on a avant de le perdre» ou, plus clair encore, «on a toujours su qu’on l’avait mais on n’a jamais pensé qu’on pouvait le perdre». Car oui, on ne se rend jamais compte de l’importance d’une réunion entre amis… Jusqu’à ce qu’on nous l’interdise
- Hostilité et agressivité envers ceux qui nous limitent : leur apparition dépend des facteurs que nous venons d’expliquer. Par ailleurs, la privation de liberté s’accompagne toujours d’un mal-être
Cette situation passera, tout redeviendra normal. Pour le moment, pour tous ceux qui ne peuvent pas le faire, luttons contre notre réactance psychologique et restons chez nous. Car nous pouvons freiner la courbe et rester chez nous permet de sauver des vies.
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