Jusqu’à la Garde : les monstres existent bel et bien

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Le 22 février dernier, lors de la 44ème cérémonie des César, le drame sur la violence machiste Jusqu’à la Garde, premier film du réalisateur Xavier Legrand, a remporté la statuette du meilleur film. Et cela n’a rien d’étonnant. Ce film a surgi de nulle part pour nous frapper de plein fouet en abordant un sujet social extrêmement profond.

Le réalisateur nous livre les détails de la garde partagée. Nous autres spectateurs restons figés dans notre salle de cinéma. Nous constatons que les monstres existent : ils vivent dans des maisons, au milieu des familles, et non pas dans des endroits sombres et isolés. Ils peuvent être à côté de nous, et cette idée est encore plus dérangeante.

Jusqu’à la Garde : le monstre

L’histoire nous est présentée à travers une juge d’instruction qui s’occupe d’un cas de divorce et de garde partagée. Il est difficile d’avoir une vision totale du cas, même si quelques-uns des éléments les plus notables semblent évidents, comme la violence exercée par le père sur sa femme.

C’est à partir de là que tout semble plus confus et que la justice semble patiner. Il ne devrait pas y avoir de doutes face à une question toute simple : est-il convenable ou non d’obliger un enfant à passer du temps avec le maltraitant de sa mère ?

L’avocat de Miriam décrit un homme particulièrement possessif et violent. L’avocat d’Antoine, lui, réfute ces points et affirme qu’il est anormal que Miriam veuille empêcher Antoine de montrer tout l’amour qu’il ressent pour ses enfants.

Pour l’avocat de la mère, il est difficile de trouver de véritables preuves sur le caractère réel du père. Car s’il y a bien une chose que sait faire un maltraitant, c’est adapter son comportement à ses intérêts en fonction de la situation. Cependant, le voile sur la vraie personnalité des protagonistes finira par se lever au fur et à mesure du film.

À partir de la décision judiciaire, qui établit une garde partagée, nous pouvons deviner qu’un désastre va se produire. Une lente explosion de violence, de répression et d’angoisse imprègne les écrans à travers l’interprétation magistrale de Thomas Gioria qui joue Julien, le plus jeune de la famille.

De la décision judiciaire à l’enfer de la garde partagée

À partir du moment où le père (Denis Ménochet) commence sa garde, un climat de tension se met en place. Un gros plan sur le visage de l’enfant terrorisé; un dialogue sans mots capable de vous crisper et de transmettre une sensation d’asphyxie.

Le regard de l’enfant et ses expressions expriment tout ce qu’il a vécu, tout ce qu’il a ressenti. L’absence de musique fait résonner les sons de la vie quotidienne comme des menaces. Une clé qui ouvre une porte, ce son qui déclenche une véritable peur pour beaucoup de femmes maltraitées.

Nous nous rendons compte que nous ne sommes pas devant un cas d’aliénation parentale, une étiquette diagnostique à la fiabilité scientifique douteuse. Le pervers narcissique Antoine sait parfois se montrer comme un être incompris, qui pourrait presque être une victime. Une victime parce qu’il aime sa famille.

Les monstres existent bel et bien

Personne, dans la famille, ne croit à ce rôle joué par le père. Tous savent que ses rapprochements ne sont pas synonymes de remords. Il ne s’agit que d’une façon de récupérer le contrôle qu’il a perdu. La grande force du film réside surtout dans la façon dont le réalisateur, Xavier Legrand, nous laisse le souffle coupé  en s’appuyant sur un mélange de peur et d’espoir, un mélange un peu pervers.

Nous devinons qu’une scène très forte va avoir lieu, pour mettre fin à toute la tension et la frustration accumulées par le père. Un père qui ne parvient pas à se rapprocher de sa femme terrorisée à travers cette garde partagée. Cette dernière vit en se cachant et en lui mentant pour éviter tout type d’agression.

La stratégie du père pour se rapprocher de son épouse Miriam (Léa Drucker) à travers l’intimidation du petit semble avoir échoué. Mais nous savons que la frustration est un composant à prendre en compte car elle précède souvent la colère et la violence.

C’est à partir de là que l’on commence à entendre la sonnette, un bruit constant qui nous terrifie. Nous ne savons pas comment s’est déroulée la maltraitance, mais nous avons le sentiment qu’elle a eu lieu fréquemment.

 

La responsabilité sociale

Le déroulement de l’histoire ne fait qu’anticiper le désastre. On ne peut que lui attribuer le qualificatif de « dévastateur ». La protagoniste s’accroche à un espoir, que ce bruit de sonnette cesse. Elle sait qu’il est là, elle sait qu’il sonnera encore longtemps.

Ce bruit s’arrêtera et d’autres commenceront pour indiquer que, cette fois, Antoine n’est pas prêt à arrêter. La dernière scène de ce film est terrifiante. Elle n’a pas besoin d’effets spéciaux ou de maquillage lugubre. Le protagoniste ne ressemble plus à un être humain mais à une bête aveuglée par l’orgueil et la vengeance.

La réalité est si forte que l’empathie que nous ressentons pour cette mère et son enfant finit par être douloureuse. Nous sommes cette voisine qui avertit que quelque chose est en train de se passer. Ce policier qui reçoit ce coup de fil en essayant de s’occuper du mieux qu’il peut de la situation.

Les monstres existent, ils vivent au beau milieu des familles et non pas dans des coins isolés et lugubres. Ils peuvent même prendre notre nom. On ne peut pas les combattre avec des thérapies cognito-comportementales : cela ne viendra que plus tard.

Ces monstres, on les combat avec la force de l’éducation, l’épée de l’empathie, l’écusson de la solidarité, le gant de la justice et l’application d’une intervention.

 

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