Virginia Woolf : biographie d’un trauma passé sous silence

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Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à la vie tragique et à l’oeuvre brillante de l’une des auteures les plus importantes du XXème siècle, qui est aussi l’une des grandes rénovatrices du roman moderne. Le nom de cette magnifique écrivaine est aussi prestigieux que celui de grands auteurs comme James Joyce. Franz Kafka. Ou Thomas Mann. Elle a profondément innové dans ses œuvres grâce à l’utilisation de la profondeur du monologue intérieur, une ressource littéraire qu’elle savait manier à la perfection. Et qui nous plonge dans les pensées les plus intimes de ses personnages. Nous parlons bien évidemment de la fascinante Virginia Woolf.

Sa vie est un reflet des silences nocifs qui ont essayé de dissimuler, quasiment jusqu’à notre époque, l’horreur et les conséquences dévastatrices des abus sexuels sur les enfants. Sa terrible histoire s’est retrouvée plongée dans un brouillard absurde : les gens maintenaient que Virginia Woolf avait hérité d’une maladie mentale.

On a longtemps dit qu’elle était trop sensible aux chocs normaux de la vie. Actuellement, on voit encore circuler l’idée selon laquelle les abus sexuels incestueux dont elle a été victime étant enfant n’ont pas provoqué ses futures psychoses. Ils ne l’ont pas non plus poussée à se suicider. Heureusement, nous pouvons désormais dire que tout cela était faux. La maladie de Virginia Woolf est bien née des abus sexuels et psychologiques dont elle a souffert alors qu’elle était enfant.

Découvrez avec nous la vie et l’oeuvre d’une femme révolutionnaire, qui a réussi à mettre un homme dans la peau d’une femme avec Orlando et qui a osé réclamer son droit à posséder Une chambre à soi.

Son enfance

La petite Virginia Woolf est née à Londres le 25 janvier 1882. Elle est le fruit d’un mariage compliqué. Au moment de sa naissance, ses parents avaient déjà plusieurs enfants plus âgés de mariages antérieurs. Son père était un éditeur, critique et biographe réputé.

Virginia ne se souvient pas avoir vu sa mère lui prêter la moindre attention. Son père, lui, l’intimidait énormément. Sa maison, même en étant un lieu de réunion pour les plus grands représentants de la littérature du moment, était pour elle une véritable prison.

La mort précoce de sa mère, puis de l’une de ses soeurs et, un peu plus tard, de son père, ont profondément marqué Virginia. La perte d’êtres chers est toujours traumatique mais, dans ce cas, son père avait interdit aux membres de la famille de nommer les personnes qui étaient décédées. En faisant cela, il a créé un terrible bâillon pour la jeune Virginia qui, dès sa plus tendre enfance, a été forcée à ne pas exprimer ses émotions.

L’âge adulte

À la mort de son père, Virginia est partie vivre avec ses frères et sœurs; à ce moment, elle a commencé à faire l’expérience de crises psychotiques complexes. 

Sa nouvelle résidence à Bloomsbury est devenue le centre de réunion d’anciens camarades universitaires de son grand frère. Parmi eux, on retrouvait des intellectuels comme Bertrand Russell. Tous formaient un groupe de romanciers, de poètes et de peintres excentriques qui était connu comme le cercle de Bloomsbury. C’est là que Virginia a connu celui qui deviendrait son mari : Leonard Woolf.

Virginia Woolf s’est mariée à trente ans. Elle avait alors souffert de plusieurs crises nerveuses qui avaient été suivies de profonds états dépressifs. Son mari tenait un journal de ses états émotionnels. Virginia a trouvé dans la littérature un refuge lui permettant de donner vie à ses horribles expériences et à ses émotions réprimées.

La relation avec son mari a toujours été très solide. Ensemble, ils ont créé en 1917 la maison d’édition Horgarth Press, qui publiera les œuvres de Virginia et d’autres grands auteurs comme Katherine Mansfield, T. S. Eliot, Sigmund Freud ou Laurens van der Post.

Les abus sexuels et le suicide

Virginia Woolf a commencé à être victime d’abus sexuels et incestueux à 7 ans. Les responsables n’étaient autres que ses deux demi-frères, qui avaient presque vingt ans de plus qu’elle. Les faits ont débuté alors que ses parents étaient encore en vie. Même si Virginia ne leur a apparemment jamais parlé du crime atroce dont elle était victime, il est possible qu’ils aient été au courant de sa souffrance.

Virginia a parlé de ces faits et écrit ouvertement à leur sujet dès ses 10 ans. Ces abus, avec ou sans pénétration, ont été extrêmement traumatique et ont duré jusqu’à ses vingt-quatre ans. Il s’agissait d’un secret de polichinelle que son entourage ignorait.

Virginia Woolf a développé une maladie mentale connue aujourd’hui sous le nom de trouble bipolaire. Après avoir achevé le manuscrit de son dernier roman, Woolf est tombée dans une dépression semblable à celles qu’elle avait déjà connues. Cependant, l’éclatement de la Seconde Guerre Mondiale et la destruction de sa maison à Londres ont aggravé sa maladie. Elle s’est alors sentie incapable de poursuivre son travail.

Sa mort

Le 28 mars 1941, Virginia Woolf a mis son manteau, a rempli ses poches de pierres et s’est jetée dans l’Ouse, près de sa maison. Elle a ainsi mis fin à sa souffrance, en se taisant pour toujours. Virginia a écrit une lettre d’adieu à son mari, qui disait :

« J’ai la certitude que je vais devenir folle à nouveau : je sens que nous ne pourrons pas supporter une nouvelle fois l’une de ces horribles périodes. Et je  sens que je ne m’en remettrai pas cette fois-ci. Je commence à entendre des voix et je ne peux pas me concentrer. Alors, je fais ce qui semble être la meilleure chose à faire. […]

Vois-tu, je ne peux même pas écrire cette lettre correctement. Je ne peux pas lire. Ce que je veux dire, c’est que je te dois tout le bonheur de ma vie. […]

Je ne sais plus rien si ce n’est la certitude de ta bonté. Je ne pense pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous l’avons été. »

-Virginia Woolf-

Virginia Woolf

La maladie mentale de Virginia Woolf

Aujourd’hui, psychologues, psychiatres et éducateurs connaissent et comprennent les graves conséquences psychologiques dont souffrent les enfants et les adolescents victimes d’abus sexuels. Heureusement, une multitude d’études ont enfin confirmé que les abus dont Virginia a été victime, avec le consentement tacite des personnes qui auraient dû la protéger, ont causé ses troubles mentaux. Il ne s’agissait pas d’une maladie mentale héritée ou d’un caractère pusillanime.

Aujourd’hui, nous pouvons enfin parler des abus sexuels chez les enfants. Il est nécessaire de mettre fin, une fois pour toutes, à ces dangereuses tentatives de minimisation de comportements et de situations intolérables.

Il n’y avait aucune raison valable de croire que Virginia Woolf avait hérité d’une maladie mentale. Supposer que la responsabilité de ses problèmes émotionnels venait de ceux qui avaient sexuellement et incestueusement abusé d’elle et de ceux qui les avaient laissé faire était beaucoup plus plausible.

Les abus sexuels infantiles

La victimisation sexuelle de Virginia Woolf a fait l’objet d’une étude de cas afin de souligner l’impact des abus sexuels infantiles dans le développement humain. Beaucoup des symptômes mentaux de Woolf concordent avec ceux relevés dans la littérature clinique sur les abus sexuels. Comprendre le cas clinique de Virginia Woolf est important pour les chercheurs et les médecins qui s’intéressent à la dynamique des abus sexuels infantiles.

Malgré sa vie tragique, Virginia Woolf a laissé une trace importante dans le monde de la littérature et dans la lutte des femmes qui cherchaient à obtenir une égalité face aux hommes. Avec son célèbre essai Une chambre à soi, Woolf a souligné le problème des femmes : l’absence d’indépendance économique. Les femmes avaient besoin de leur indépendance pour pouvoir avoir leur propre espace et, dans le cas de Virginia, leur propre endroit pour écrire tranquillement des romans.

Avec Orlando, elle a osé mettre un homme dans la peau d’une femme pour montrer au monde à quel point une même personne pouvait connaître un plus grand nombre de difficultés en étant une femme. Elle a aussi osé parler de tabous comme l’homosexualité et la sexualité. En définitive, Virginia a été une femme punie par son époque, son entourage et le silenceAujourd’hui, son exemple nous sert à ne pas culpabiliser la victime. Et à permettre aux personnes qui souffrent d’abus de parler.

 

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