Ed Wood, l’enthousiasme du pire réalisateur de tous les temps

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Ed Wood était un réalisateur, scénariste, acteur et producteur de films qui désirait ardemment voir ses créations sur grand écran. Il voulait entrer dans l’histoire du cinéma. Et d’une certaine manière, il y est parvenu. Mais peut-être pas comme il s’y attendait. Après sa mort, on l’a en effet décrit comme « le pire réalisateur de l’histoire ».

Son film Plan 9 from Outer Space a, à son tour, été classé comme le pire film de l’histoire et comme le premier du cinéma Z, un sous-genre du cinéma B, de moins bonne qualité et à plus faible budget.

Cependant, le passage du temps a donné à Wood la reconnaissance de « réalisateur culte ». Et des cinéastes comme John Waters ou Tim Burton le citent parmi leurs influences. Ed Wood était-il si mauvais ? La vérité est que la qualité de ses films laisse beaucoup à désirer : incohérences dans le scénario, problèmes de continuité, microphones visibles, scènes d’archives, décors en carton et bien d’autres problèmes qui rendent ses films tout sauf crédibles.

Les producteurs ont souvent rejeté le travail de Wood. Il disposait donc, pour ses films, d’un budget très limité. Ce budget, couplé avec les technologies de l’époque, ont contribué grandement à la mauvaise qualité de ses films. Pour autant, il est vrai qu’il n’était pas perfectionniste et qu’il ne se souciait pas des erreurs ou des incohérences. En effet, il ne faisait généralement qu’une seule prise et croyait que le cinéma allait au-delà de la perfection, que tout était crédible.

Mais malgré ses erreurs, il y a quelque chose d’attachant dans ses oeuvres, une essence unique. Ne laissons pas de côté le fait que, dans la société des années 1950, les gens pouvaient considérer certains thèmes comme provocateurs. Par conséquent, nombre de ses films ne seront pas pris au sérieux. C’est par exemple ce qui s’est passé avec Glen ou Glenda, un film avec lequel Wood avait l’intention d’émouvoir en contant une histoire personnelle sur le travestisme. Bien que cela ait causé plus de moqueries que de larmes.

Ed Wood : le biopic

Tim Burton s’est plongé, en 1994, dans l’aventure de présenter l’histoire de ce réalisateur sur grand écran. Burton a régulièrement indiqué qu’il tirait une bonne partie de ses références du cinéma B, en particulier du genre horreur. Une influence qui transparaît en effet à travers toute sa filmographie.

Parmi ses influences, on retrouve donc Ed Wood. Burton a vu Plan 9 from Outer Space durant son enfance et en garde un bon souvenir. Ses films sont peut-être truffés d’erreurs, mais il y a une chose dont ils ne manquent pas : l’enthousiasme. Et c’est précisément cet enthousiasme que Burton nous donne  à voir dans ce biopic.

Contrairement à Wood, Burton est parfaitement cohérent et nous donne un film à la narration cohérente, agréable à tous points de vue. Burton avait un scénario exceptionnel et des acteurs expérimentés : Johnny Depp et un magnifique Martin Landau se démarquent notamment. Mais tout n’était pas rose, car lorsque Burton a décidé de tourner le film en noir et blanc, il a rencontré des problèmes avec la société de production qui a décidé de se dissocier du projet.

Burton voulait capturer l’essence de l’époque, de Bela Lugosi et du cinéma B des années 1950, et pour cela, il était essentiel que l’histoire soit racontée en noir et blanc. Le film a été présenté en première en 1994 et, bien qu’il n’ait pas rencontré le succès escompté au box-office, il a reçu deux Oscars : celui du meilleur maquillage et celui du meilleur acteur dans un second rôle. Les deux prix sont liés à l’un des personnages clés du film : Bela Lugosi. La figure de l’acteur mythique prend vie grâce à un maquillage exceptionnel (soutenu par le noir et blanc) et à la sublime interprétation de Landau.

Ed Wood est, pour beaucoup, l’un des meilleurs films de la filmographie de Burton. Il s’agit d’une œuvre personnelle, qui n’a rien à envier aux autres films du réalisateur et qui parvient à transmettre l’essence d’une époque, de la face cachée d’Hollywood, ainsi qu’à ressusciter des personnages aussi marquants que Lugosi ou Wood lui-même.

Un hommage au cinéma

Au-delà de l’hommage à Ed Wood, le film est un hommage au cinéma B lui-même, une ode au cinéma, aux années 1950, aux films en noir et blanc et aux « vieilles gloires » déchues du cinéma comme Bela Lugosi. Déjà au générique, on perçoit une certaine nostalgie, une certaine magie que le cinéma actuel semble avoir oubliée.

Le film commence par des pierres tombales sur lesquelles sont lus les noms des acteurs, dans le plus pur style Wood, des images de tentacules et de soucoupes volantes apparaissent ; puis une musique sombre nous accompagne dans une pièce obscure et mystérieuse. La caméra pénètre dans la pièce où un cercueil se détache sous une sinistre fenêtre ; à l’extérieur, la tempête dessine un scénario ténébreux.

Le cercueil s’ouvre et Jeffrey Jones, qui incarne Criswell, semble nous expliquer que ce que nous allons voir est la véritable histoire d’Ed Wood. Cette introduction, si caractéristique du cinéma B, est vraiment magnétique. Elle se termine par un mouvement brillant de la caméra à travers la fenêtre, c’est-à-dire, nous immergeant dans l’obscurité de la tempête. La scène finale nous ramène au début, mais avec un mouvement de caméra en sens inverse, nous ramenant dans la pièce et fermant le cercueil ; quelque chose de tout simplement magique.

Les fameuses lettres d’Hollywood, présentes dans plusieurs moments du film, s’accompagnent du tonnerre et de l’obscurité. Cette mise en scène doit nous inviter à penser que, peut-être, la Mecque du cinéma n’est pas aussi merveilleuse qu’on veut bien nous le faire croire. En revanche, Burton nous conduit à une étude sur les plus malchanceux de cette industrie. Il nous révèle ainsi sa face cachée. Et met à nu la cruauté d’Hollywood. Tout le film est un hommage, plein d’allusions et raconté en détail ; un véritable bijou avec des notes d’humour et de nostalgie.

Ed Wood : l’incarnation de l’enthousiasme

Wood se caractérisait par son grand amour du cinéma. Par sa passion. Malgré le fait que son talent était terriblement remis en question. Ed Wood se sentait comme Orson Welles. Il était convaincu qu’il pouvait faire quelque chose de grand. Quelque chose d’important. Et il comptait sur ses compétences pour être à la fois scénariste, producteur, réalisateur et acteur.

Burton nous présente dans son film un personnage bien-aimé, innocent, avec l’illusion d’un enfant. Wood, malgré les critiques sévères et l’adversité, n’a jamais perdu son sourire, a cru en lui et a continué à faire des films à petit budget.

Il s’est lié d’amitié avec Bela Lugosi, l’acteur hongrois qui jouissait d’une grande popularité pour son interprétation de Dracula. Burton a vu dans cette amitié un reflet de ce qui est arrivé à Vincent Price, un acteur très populaire dans les films d’horreur. Et à qui Burton, comme Wood l’a fait avec Lugosi, a donné le dernier rôle de sa carrière.

 

Ed Wood se caractérisait par un charisme indéniable. Malgré le rejet de l’industrie, il a réussi à joindre les forces de ses proches, qui ont accepté de se faire baptiser pour obtenir des fonds d’un groupe religieux. Un geste incroyable ayant permis à Wood de filmer Plan 9 from Outer Space. Son optimisme inhabituel en a fait un personnage qui a suscité l’intérêt du public. Il existe aujourd’hui l’Église d’Ed Wood, une organisation de croissance spirituelle inspirée par la figure du cinéaste.

À la fin de sa vie, cet optimisme caractéristique a disparu et Wood est mort ruiné, connaissant même de graves problèmes d’alcool. Burton est parvenu à capturer l’essence du personnage et nous a offert un film plein d’optimisme, d’espoir. Un film nostalgique qui nous invite à nous souvenir de ce réalisateur particulier. A être optimistes face à l’adversité. Et à penser que, peut-être, en d’autres temps, le destin de Wood aurait été différent.

« Tout le monde peut être un mauvais réalisateur, mais tout le monde ne peut pas être le pire. »

-Tim Burton-

 

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